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QUESTIONS D’ART ET DE LITTÉRATURE

baldi, que sais-je ? Tout ce qui a manifesté la vie à un degré éminent dans les lettres, dans la politique, dans la philosophie, dans les arts, dans la guerre, depuis le commencement de ce siècle n’a-t-il pas été brisé de fait ou d’intention par la brutalité des révolutions, et par la sombre fatalité qui préside aux choses humaines ?

Ainsi penserait Rousseau, s’il revenait en ce monde, ou bien… ou bien Rousseau éclairé d’une lumière nouvelle, — pourrait-il ne pas l’être ? — Rousseau dirait : — « L’homme est encore bien sauvage, mais il a fait un pas depuis cent ans que je l’ai perdu de vue. Plusieurs voient plus loin que je ne pouvais voir, et c’est là un progrès immense, car j’étais bien un de ceux qui voyaient le mieux en mon temps. Des esprits qui ne s’attribuent d’autre mérite que d’être logiques, ont conçu une espérance que mon génie repoussait avec amertume. Ces esprits-là ont profité des terribles expériences de l’histoire, ils ont reconnu que ce qui est frappé se relève, que ce qui est mutilé repousse, que le génie humain n’est pas un arbre qu’on peut abattre et brûler, mais cette hydre fabuleuse dont l’amputation centuple l’existence. Dès lors, voyant l’inutilité des sévices que la vieille raison d’État appelle des répressions nécessaires, ces hommes sages ont rayé de leur catéchisme philosophique et politique les mots bannissement, prison, échafaud, mots que l’avenir traitera de criminels et de stupides, et que le présent doit déjà regarder avec dégoût et condamner dans sa conscience comme appartenant à une nation barbare de la civilisation.

Donc, qu’un gouvernement s’appelle royauté, répu-