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QUESTIONS D’ART ET DE LITTÉRATURE

n’y peut vraiment plus rien. L’école romantique lui ayant fait violence, elle s’est jetée dès lors en pleine révolution, et, comme la liberté est une mère féconde qui engendre toutes les formes de l’avenir, il est bien évident que, si l’élément romantique avait conservé la majorité dans cette illustre assemblée, il lui faudrait déjà lutter aujourd’hui contre un élément nouveau, ou lui ouvrir les bras franchement. — Et cet élément nouveau, en supposant qu’il produisît encore une forte pléiade, comme celle dont Victor Hugo fut le chef géant, ne serait-il pas bientôt contesté dans ses arrêts et dans ses tendances par une école plus nouvelle encore ? Le vrai beau, le moins beau, le plus, le moins, le peu et le beaucoup dans l’échelle de mérite des personnalités, toutes ces distinctions n’ont rien à voir devant la condition vitale et absolue, le droit de vivre et la liberté de marcher. Non, non ! le temps n’est plus où quarante hommes célèbres, si imposants qu’on les supposât, pourraient diminuer la valeur d’un seul homme de talent secondaire, s’il plaisait à Dieu que cet homme émît, tant bien que mal, une idée neuve et généreuse.

Concluons de tout ceci que comme bien d’autres grandeurs du passé, l’Académie française est une grandeur inutile et dès lors placée devant nous comme une lampe qui achève de brûler. Nous ne sommes point tenté de porter sur elle une main impie. Elle est un monument jadis dédié à la civilisation et qui la représente encore à certains égards, puisqu’elle abrite encore de nobles et grands esprits ; mais elle n’a plus sa raison d’être dans l’avenir, car elle est un reste de féodalité littéraire, et il ne lui suffirait plus de se borner à un rôle purement littéraire pour faire accepter