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à l’occasion, sur le fond pour juger seulement la question de forme.

Combien de temps l’Académie française put-elle vivre sur cette illusion ? L’étude de son histoire nous mènerait trop loin ; franchissons les temps écoulés et voyons-la aujourd’hui en face de l’esprit du xixe siècle. Peut-elle s’abstenir de prendre part aux affirmations et aux négations tranchées qui l’agitent ? Ne serait-elle pas déjà morte de belle mort dans l’opinion, si elle s’était bornée à mesurer des alexandrins et à ne pas faire un dictionnaire ? Ne faut-il pas qu’elle aussi vive de la vie qui circule, et qu’en dépit de ses propres théories, elle s’inspire du milieu qu’elle traverse et qui la féconde ?

Ne lui demandons donc pas, nous qui lui reprochons d’être souvent en arrière du mouvement des idées, sa tendance irrésistible à se mêler au mouvement social. Qu’elle s’y mêle pour le retenir ou pour le pousser en avant, ceci est une question passagère, une question d’actualité : la véritable question débattue dans ces derniers temps par la critique est de savoir si l’Académie doit ou ne doit pas s’abstenir de juger les opinions, les tendances, la conscience des écrivains et des poètes.

Pour nous, il ne s’agit pas de savoir ce que doit faire et ce que doit être l’Académie, mais bien de savoir ce qu’elle peut être, et ce qu’elle peut faire. Accordons-lui ce que souvent elle a refusé aux esprits indépendants, et reconnaissons qu’elle est forcée d’être ce qu’elle est, de faire ce qu’elle fait. Il lui est absolument impossible de séparer l’art des éléments qui le font éclore et qui le font vivre, et ces éléments constitutifs, ces éléments vitaux c’est la religion, c’est