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De là un divorce intellectuel produit par la même cause, par une cause que j’appellerai l’âpreté du siècle, une soif ardente de sécurité en même temps qu’une ardente audace d’entreprises, toutes les forces entraînées irrésistiblement vers l’avenir en se cramponnant au passé qui échappe, le présent trouble et un peu malsain, dévoré comme un mets sans saveur et dont on semble vouloir se repaître à la hâte entre la crainte et l’espérance.

Il est bien certain que, si les femmes pouvaient se préserver de cette fièvre et se faire anges pour purifier et ennoblir la société, tout serait pour le mieux ; mais nous craignons bien que le généreux appel de M. J. S… ne soit pas entendu de sitôt, et que l’Académie elle-même n’encourage en aucune façon les femmes à se faire apôtres du progrès.

Et, après tout, l’Académie a raison de ne pas le faire, car elle n’a pas mission de réformer les mœurs d’une manière directe, et elle n’a déjà que trop outrepassé son mandat en laissant certain esprit de discussion pénétrer dans son sanctuaire. L’Académie française est, en principe, une institution purement littéraire et nullement philosophique ou religieuse. D’où vient qu’elle s’est détournée de son but ? Cherchons-en la cause.

Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que l’Académie française a perdu son capital de talent ou de génie, puisqu’elle compte encore sur la liste tant de noms que, sous le rapport littéraire, tout le monde estime ou admire. En aucun temps la France n’a produit à la fois quarante génies de haut vol, et, dans tous les temps, quelques-uns de ces esprits de premier ordre ont mieux aimé se tenir à l’écart et conserver