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On avait donc raison de dire à ces Messieurs qu’ils se trompaient sinon dans leur faire, du moins dans leur dire. On le leur a quelquefois trop durement reproché, à mon avis. Ils cherchaient quelque chose, et il est toujours bon de chercher ; car il y a toujours quelque chose à trouver, le plus souvent à côté de ce que l’on cherche.

Quant à eux, ils s’attiraient ces duretés par des provocations inutiles, et l’on eût dit que quelques-uns des leurs les cherchaient pour se faire un nom. C’était leur droit, mais le moyen n’était pas bon. Ils en trouveront un meilleur, qui est de faire preuve de grand talent. Mais que cherchaient-ils ? Ils ont eu beaucoup de peine à le dire, ils le sentaient plus qu’ils ne le savaient. Ils cherchaient le naturel, et ils recommençaient, un peu tard, une campagne contre le mauvais classique vaincu et enterré. Ils voulaient qu’on appelât un chat un chat. Le romantisme l’avait voulu avant eux, et il avait bien et dûment gagné son procès. Mais le romantisme, ayant fait son temps comme école, avait laissé ses défauts, moins ses qualités, dans certains esprits prétentieux dont ils firent bien de se moquer. Mais c’était du luxe : le public n’avait pas le moindre engouement pour cette manière ainsi mise en œuvre.

Que le réalisme fasse donc la guerre au mauvais goût, il aura fort raison ; mais il ne sera pas neuf pour cela. Alceste, il y a deux cents ans, préférait Ma mie, ô gué ! au sonnet d’Oronte, et rangeait le public à son avis. Mais de ce que Molière raillait le mauvais goût de son temps, il n’en résulte pas qu’il fît le procès aux vers de Corneille, sous prétexte que tout est comédie dans la vie et que la tragédie est une conven-