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fauts de cette brillante école dans la première phase de son talent ; mais chacune de ses publications atteste un combat contre lui-même.

Porté à l’abus des images et au clinquant de la forme, chaque pas de sa muse a été une victoire disputée à la fantaisie par la volonté du vrai et l’amour du beau. Son horizon rétrospectif s’est agrandi, et il nous paraît certain que, dans ces derniers temps, sans déserter le culte des romantiques, il a compris mieux qu’il n’avait encore fait les richesses du passé. Peutêtre a-t-il relu le doux Pétrarque avec attendrissement ; peut-être a-t-il médité avec effroi et douleur sur l’amour du misanthrope Alceste ; peut-être s’est-il senti grandir et brûler en s’essayant à traduire les chants de la jeunesse de Goethe ; peut-être encore n’a-t-il rien fait de tout cela ; peut-être a-t-il tout simplement ressenti les douleurs qu’il exprime. Mais alors nos grands classiques d’autrefois sont donc bien vrais, puisque l’émotion vraie donne à la couleur des vers que j’ai cités un air de vague parenté avec leur manière, qu’on ne s’attendait certes pas à trouver dans celle du romantique et méridional Poncy.

Il n’est pas besoin de rappeler désormais que Poncy est né ouvrier ; qu’il a été privé d’éducation première ; qu’il n’a appris qu’à manier la truelle, et qu’il a tout deviné, tout découvert, tout inventé dans sa propre poésie avant de savoir lire, c’est-à-dire juger, comparer et apprécier. Aujourd’hui, c’est un lettré qui n’a plus besoin d’excuses et qui ne s’abrite plus derrière son titre de maçon pour réclamer l’indulgence.

On peut être sévère avec lui. Il connaît et manie la langue comme n’importe quel ciseleur littéraire. C’est tout au plus s’il aurait le droit, en abordant le public