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chemin à une littérature nouvelle, et madame Dorval, appelée à en suivre le progrès et à en assurer le triomphe, a recueilli là où l’autre avait semé. Elle a eu tous les bénéfices de l’époque qui l’a produite ; ce n’est pas à dire qu’il faille reprocher à mademoiselle Mars d’être venue trop tôt.

Mais mademoiselle Mars a-t-elle toujours compris le vrai, qui est de tous les temps, mieux ou moins bien que madame Dorval ? That is the question. Et la question n’a pas été jugée irrévocablement. On n’a pas été aux voix, on n’a pas lu la sentence écrite à la foule assemblée. La foule émue s’est retirée, emportant des impressions différentes, suivant l’âge, les opinions et le cœur de chacun.

Car, ne vous y trompez pas, ceci est une pierre de touche à laquelle vous connaîtriez, si vous vouliez bien observer, des nuances de caractères habilement ou pudiquement cachées. Il fut un temps où, pour juger un homme, on lui adressait la question qui remuait alors toutes les existences morales : Voltaire ou Rousseau ? Aujourd’hui que ces questions fondamentales ont reçu d’en haut beaucoup de jour, et qu’on s’amuse, en attendant mieux, à des questions d’art et de sentiment, on peut deviner quels cerveaux s’allument, quels cœurs palpitent sous le satin de ces turbans, sous le velours de ces corsages que vous voyez briller au premier et même au second rang des loges. Il ne s’agit pour cela que d’entendre la réponse à une question en apparence désintéressée. Mais vous, mesdames, méfiez-vous de votre premier mouvement lorsqu’un mari, ou un autre homme encore, vous demandera d’un ton dégagé : Pasta ou Malibran ? Mars ou Dorval ?

Oh ! c’est que c’est bien différent ! il y a tant de ma-