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boules d’argent, placées aux coins de ses lèvres, lui agrandissent la bouche, et donnent à sa physionomie quelque chose de bas et de faux, expression complètement étrangère à la figure du Polichinelle moderne. Cette différence dans l’extérieur des deux personnages me paraît accuser une différence plus profonde entre les caractères. L’acteur des anciens devait être quelque chose de plus bas, de plus haineux que le Polichinelle moderne : comique surtout par ses difformités, je me ligure voir de loin une espèce de Thersite populaire aux prises avec l’oppression de l’esclavage et de la laideur. Polichinelle, c’est déjà la révolte ; il est affreux, mais il est terrible, rigoureux et vindicatif ; il n’y a ni Dieu ni diable qui le fasse trembler quand il tient son gros bâton. À l’aide de cet instrument, qu’il promène volontiers sur les épaules de son maître et sur la nuque des officiers publics, il exerce une espèce de justice sommaire et individuelle, qui venge le faible des iniquités de la justice officielle. Ce qui me confirme dans cette opinion, c’est que, dans les farces napolitaines, on trouve deux Polichinelles, l’un, bas et niais, véritable fils de Maccus ; l’autre, hardi, voleur, batailleur, bohémien, et de création plus moderne.

Les recherches de Ménage et de Louis Riccoboni ont prouvé que le caractère et le costume d’Arlequin se retrouvaient également dans la comédie de second ordre des Romains. On appelait les acteurs chargés de ce personnage, planipèdes, parce qu’ils paraissaient pieds nus sur la scène. Ainsi, l’Arlequin moderne ne porte que de légers chaussons. — Comme les planipèdes, il a la tête rasée, et son habit n’est qu’un ramas de guenilles de toutes couleurs. Arlequin est Lombard, de la ville de Bergame. — Jusqu’au xviie siècle,