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sions se sont élevées sur cette question de supériorité, considérée non pas seulement comme attrait, mais aussi comme mérite. Les deux illustres rivales ont eu chacune une nombreuse phalange de champions courtois et honorables, admirateurs zélés, mais sincères et généreux comme le sentiment qui doit exister dans le cœur de ces deux femmes. Car ces deux femmes ont compris l’art sous deux aspects différents, et toutes deux ont marché à leur but avec la persévérance que donnent l’intelligence et la réflexion ; mais toutes deux se sentent trop haut placées dans leur gloire pour ne pas s’admirer l’une l’autre, et pour ne pas se donner loyalement la main dans la coulisse comme sur la scène.

Les rôles qu’elles venaient de remplir dans la pièce de Beaumarchais impliquaient des qualités tellement distinctes, qu’il a été nécessaire de se reporter à des rôles analogues entre eux, pour asseoir le système de comparaison. Ainsi l’on a mis en présence Suzanne avec Jeanne Vaubernier, Clotilde avec Adèle d’Hervey.

L’aréopage, vous le voyez, a tout à fait mis de côté le doute précédemment émis sur la compétence de l’une ou de l’autre actrice dans l’une ou l’autre littérature, drame ancien ou drame nouveau. Madame Dorval, en paraissant sur le Théâtre-Français, pour la seconde fois, venait de prouver qu’elle sait se reporter à la pensée des maîtres de l’art (c’est ainsi que l’on dit encore au foyer des acteurs de la rue Richelieu). Mademoiselle Mars a été une interprète admirable des poëtes vivants. La première, elle nous a révélé le drame de Dumas et le drame de Victor Hugo ; elle a marché avec son siècle, elle a ouvert le