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de l’inévitable fatalité s’efface trop aisément, en qui le moi égoïste ou frivole étouffe le sentiment de la vérité et le culte de la sagesse ? Soit que nous cherchions dans les livres la cause du malheur et de l’impuissance de l’homme, soit que nous demandions ce secret fatal à la rêverie, soit que nous tachions de nous y soustraire par l’étourdissement du plaisir, nous sommes toujours des infirmes de corps et d’esprit, dominés par d’insondables mystères, épouvantés avec excès, oublieux avec ivresse, poltrons ou fanfarons, prompts à épuiser la coupe de nos joies, prompts à nous lasser de la recherche du vrai, et tristes surtout, toujours tristes !

Pleure, Hamlet, pleure ! Il n’y a vraiment que des sujets de larmes ici-bas ! Tremble aussi ; car il n’est rien de si effrayant que notre destinée en ce monde. Tue et meurs, détruis et disparais : c’est le sort de l’homme. Depuis le berceau jusqu’à la tombe, depuis Adam jusqu’à toi, Hamlet, depuis tes jours jusqu’aux nôtres, la voix de la terre est un éternel sanglot qui se perd dans l’éternel silence des cieux.

Février 1845.