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sentez point en vous assez de force et de calme pour résister aux tentations du monde ; si vous ne pouvez le traverser avec la dignité sérieuse qui vous convient ; si ses coupables plaisirs vous entraînent ; si, au lieu de lui porter vos vertus, vous en rapportez ses vices, vous êtes trois fois coupables, et vous dégradez l’honneur du peuple dans vos personnes, plus que ne font ces hommes grossiers de la dernière plèbe que l’ignorance livre à des vices moins raffinés et plus excusables. Vous avez la lumière, et ils ne l’ont pas. Au lieu de les plaindre et de les convertir par vos paroles et vos exemples, vous les abandonnez pour faire cause commune avec les bourreaux de leur dignité, avec les assassins de leurs âmes. En ce cas vous êtes criminels, et vous mériteriez que Dieu éteignît le flambeau de l’intelligence qu’il a mis dans vos mains. En ce cas vos frères ont raison de vous crier : Arrête et reviens ! En ce cas vous devez faire pénitence dans la misère et dans la retraite, dans le sac et dans la cendre.

Mais il n’en est pas ainsi, grâce au ciel ! Vous n’êtes pas assez faibles, assez lâches, vous, les enfants de la forte race, pour vous laisser entraîner par d’impurs délires, par d’infâmes sophismes. Le poëte prolétaire doit ennoblir tout ce qu’il approche, sanctifier tout ce qu’il touche ; il a la vue des choses célestes, comment n’aurait-il pas le discernement des choses terrestres ? Il doit avoir l’horreur naturelle du laid, par conséquent du vice. Autrement, serait-il poëte ? chanterait-il la vertu, la beauté et l’amour ? Répondez donc à vos sévères amis, à vos frères pieux, que vous continuerez à être sévères pour vous-mêmes et pieux comme doit l’être la race appelée à régénérer le