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nelles souffrances, on vous a crié aussi : « Restez ouvriers ! ne tentez pas la fortune, » c’est-à-dire : « Donnez l’exemple d’une résignation qui fait nos affaires, sinon les vôtres. » Si vous vouliez répondre à ces conseillers hypocrites, la partie serait belle pour vous. Que n’auriez-vous pas à leur dire pour leur prouver le droit divin que vous avez au bonheur, à la liberté, à un doux repos sagement alterné avec un travail modéré, à la santé, enfin à la sécurité de l’existence, sans laquelle les joies de la famille sont empoisonnées, à une vieillesse honorée et tranquille, à des jouissances délicates même, quand votre âme délicate, votre âme de poëte et d’artiste, les appelle impérieusement ? Mais ce serait chose trop aisée que de jeter dans la poussière ces mensonges insultants et ces exhortations cyniques ; vous ne daignez pas le faire, parce que vous savez bien que Dieu et l’avenir s’en chargeront.

Répondre aux conseils rigides de vos frères est plus grave et plus difficile. Ils vous placent sur un piédestal, en vous interdisant d’en descendre. Ils vous défendent de respirer, d’aimer, de vivre hors de l’atmosphère desséchante où la société vous tient plongés. Ils vous blâment presque d’avoir des relations avec les classes aisées. Ils s’effraient des amitiés et des admirations que vous inspirez à des riches, à des gens heureux et libres. Ils craignent que le spectacle de leur bien-être ne vous tente, que leurs louanges ne vous enivrent, et que vous quittiez le travail et la famille, pour courir après leurs joies égoïstes, après leur liberté liberticide de celle du pauvre. Suivrez-vous cette loi pesante ? consommerez-vous ce suicide ? prononcerez-vous ces vœux fanatiques et sublimes ? Écoutez, jeunes précurseurs du nouvel Évangile : si vous ne