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quiescer à ma conclusion générale. Il me suffit que vous m’accordiez, quant à présent, que maître Adam Billaut façonnant, comme dit Voltaire, des couplets aussi lestement qu’un escabeau, était un fait exceptionnel dans son temps ; et vous m’avouerez tout à l’heure, quand vous aurez feuilleté son œuvre, qu’il n’a point eu, malgré sa grande intelligence, et ses éclairs de colère et de fierté, la révélation de son rôle de poëte prolétaire, comme nos poëtes prolétaires doivent et peuvent l’avoir ajourd’hui.

M. A. — Ma foi, tout en vous écoutant, j’ai déjà feuilleté ; et je vous jure qu’à en juger par les dédicaces et les flatteries sans nombre aux grands et aux princes qui me sautent aux yeux, je ne vois rien là-dedans qui m’inspire admiration ou sympathie. C’est une collection de flatteries plates et un cours de mendicité adulaloire. Les chansons et les épigrammes ne manquent pas de verve, et le tour est hardi, heureux souvent ; mais ce n’est pas autre chose, comme l’a dit Voltaire, que de la poésie de cabaret, comme le reste est de la poésie d’antichambre.

M. Z. — Admettons un instant que Voltaire soit infaillible ; je sais vos préférences, je devrais dire votre idolâtrie pour lui. Admettons, dis-je, qu’il ait bien jugé maître Adam, en affirmant que ce n’était qu’un poëte de cabaret, trouvant une rime heureuse par hasard, comme il a dit, avec plus d’irrévérence encore, de Shakespeare, que ce n’était qu’un sauvage ivre, et de Pétrarque qu’un chansonnier inférieur à Quinault. Avouez, dans ce cas, qu’un artisan poêle était, il y a deux cents ans, une rare merveille, un prodige non pareil, comme on parlait alors, une exception inouïe.