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tres hollandais, qui exerçaient, avec leur art, un métier manuel, tailleurs, taverniers, etc.

M. Z. — Et dans l’art divin, dans la musique, les exemples m’écraseraient également, si j’osais dire que le génie est éclos d’hier dans le peuple. Palestrina, Haendel, Gluck, Mozart, Haydn, Beethoven, et cent autres, seraient là pour me crier : Et nous aussi, enfants de rien, nous avons travaillé dans les champs comme nos pères, ou chanté dans les rues comme le grand Rossini.

M. A. — Eh bien donc ?

M. Z. — Eh bien donc, le peuple est et fut toujours artiste. Mais il n’a pas encore été littérateur, en ce sens que son génie poétique, aidé de l’art littéraire, ne s’était pas encore formulé d’une manière précise et tranchée. Voilà qu’il commence à le faire, et que nous approchons d’une crise puissante, où des idées neuves seront chantées, développées et poétisées par des esprits nouveaux, par des imaginations, des consciences, et des génies prolétaires.

M. A. — Je ne veux pas contrarier votre croyance, quant à l’avenir, bien que je ne la partage pas ; mais quant au passé, êtes-vous bien sûr de ce que vous dites ? N’y a-t-il pas eu d’écrivains sortis du peuple dans les siècles passés ?

M. Z. — Vous êtes beaucoup plus érudit que moi sur ce chapitre. Cherchez vous-même. Voyez si jusqu’au dix-septième siècle les historiens et les poètes de quelque valeur ne sont pas sortis de la noblesse ou du haut clergé ? Voyez ensuite les écrivains du grand siècle appartenir encore pour la plupart à la magistrature ou à la noblesse, à la robe, à l’épée, ou à la haute bourgeoisie, jusqu’à l’avènement de la classe moyenne