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on cause peu, on ne perd pas le temps en raisonnements à perte de vue, le bras passé dans sa fourche, un sabot planté sur l’autre, pendant que les nuages montent et que la pluie se hâte. On a moins d’éloquence et de majesté ; on a plus de vie et de feu, on est moins orateur, mais on est plus homme.

On est aussi plus industrieux et plus artiste.

Toutes les bâtisses sont jolies ; la menuiserie est belle, et les intérieurs annoncent du goût.

Enfin, un détail nous prouva que cette petite population était riche et indépendante.

Madame Rosalie, notre éminente cuisinière, nous avait préparé, pour le second jour, un dîner d’une abondance insensée : nous étions las d’être à table. Nous demandions qu’on fît nos lits ; nous étions fatigués. Il fut impossible de trouver une femme de peine pour les faire. Excepté au château, il n’y a pas de servantes dans le village ; et, comme nous admirions le fait, notre hôtesse nous dit sur un ton de désespoir fort plaisant :

— Hélas ! que voulez-vous, ils sont tous heureux ici ! Ils n’ont pas besoin de gagner !