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pagne, l’air qu’il respire à toute heure, les tableaux variés que la nature déroule sous ses yeux, et qui se modifient à chaque instant dans la succession des variations atmosphériques, ce sont là pour l’homme rustique des conditions particulières d’existence intellectuelle et physiologique ; elles font de lui un être plus primitif, plus normal peut-être, plus lié au sol, plus confondu avec les éléments de la création que nous ne le sommes quand la culture des idées nous a séparés, pour ainsi dire, du ciel et de la terre, en nous faisant une vie factice enfermée dans le moellon des habitations bien closes. Même dans sa hutte ou dans sa chaumière, le sauvage ou le paysan vit encore dans le nuage, dans l’éclair et le vent qui enveloppent ces fragiles demeures. Il y a sur l’Adriatique des pêcheurs qui ne connaissent pas l’abri d’un toit ; ils dorment dans leur barque, couverts d’une natte, la face éclairée par les étoiles, la barbe caressée par la brise, le corps sans cesse bercé par le flot. Il y a des colporteurs, des bohémiens, des conducteurs de bestiaux qui dorment toujours en plein air, comme les Indiens de l’Amé-