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ainsi, c’est une pierre quelconque, que l’on met en évidence, et qu’au besoin on pourra dire soulevée là par le hasard. Un jour où le propriétaire lésé s’aperçoit qu’on a gagné dix sillons sur sa terre ; il s’inquiète, il se plaint, il invoque le souvenir de ses autres jouxtans (on appelle encore la borne du nom latin de jus droit) ; les enfants s’en servent même dans leurs jeux pour désigner le but conventionnel). Alors, quand le réclamant a assemblé les arbitres, on signale la fraude et on cherche la borne véritable, l’ancien terme qu’à moins d’un sacrilége en lui-même beaucoup plus redoutable que la fraude, le délinquant n’a pu se permettre d’enlever. Il est bien rare qu’on ne le retrouve pas. C’est une plus grosse pierre que toutes les autres, enfoncée à une assez grande profondeur pour que le socle de la charrue n’ait pu la soulever. Cette pierre brute, c’est le dieu antique. Pour l’arracher de sa base, il eût fallu deux choses : une audace de scepticisme dont la mauvaise foi elle-même ne se sent pas souvent capable, et un travail particulier qui eût rendu la trahison évidente ; il eût fallu venir la nuit, avec d’autres instruments