Page:Sand - Promenades autour d un village - 1866.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’avais prôné d’autres maîtres sonneurs autrefois : Marcillat, du Bourbonnais, ensuite Moreau, de la Châtre, et maintenant ce maudit Blanchet, de Condé, dont pourtant il parlait avec un certain respect. Mais pourquoi ne m’étais-je pas contenté de lui, le vieux sonneur de Saint-Chartier, l’unique, l’inévitable des anciens jours ?

— Il fut un temps, disait-il, où, quand vous vouliez entendre la cornemuse ou faire danser la jeunesse, c’était toujours moi que vous appeliez. Et puis, tout d’un coup, vous avez eu une dame de Paris, une fameuse Pauline Viardot, qui voulait écrire nos airs, et vous avez demandé Marcillat, qui était à plus de douze lieues d’ici, pendant que j’étais sous votre main. Ç’a été un crève-cœur pour moi ; je me suis questionné l’esprit pour savoir en quoi j’avais manqué, et, de chagrin, j’ai quitté l’endroit pour aller vivre à la ville, où je vis encore plus mal.

Que pouvais-je répondre à ce pauvre homme ? Il est malheureux et pas assez artiste pour comprendre que l’art et l’amitié obéissent à des lois différentes.