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cette chambre où sur un lit d’enfant dormait, écrasée par la fièvre, la pauvre jeune artiste, je fus saisi de crainte et de repentir. Il me sembla que j’outrageais une agonie, et je n’osai ni m’approcher d’elle ni la regarder.

— Eh bien, tâtez-lui donc le pouls ! me dit la bonne femme, voyez si la fièvre augmente… Elle n’a pas sa connaissance, allez !

Il me fallait tâter le pouls ou renoncer à mon rôle de médecin. Je dus soulever ce pauvre bras inerte et prendre dans ma main cette main mignonne, brûlante de fièvre. Rien de plus chaste à coup sûr que cette investigation, mais je n’étais pas élève en médecine ; je ne pouvais rien pour elle, je n’avais pas le droit de lui imposer mon dévouement. Si elle eût pu ouvrir les yeux et voir sa main dans celle d’un inconnu, elle si austère et si farouche, son mal eût empiré par ma faute. En faisant ces réflexions tristes, je regardai machinalement une carte photographiée posée sur la petite table : c’était le portrait d’un homme ni beau ni jeune, un parent sans doute, peut-être son père. Il me sembla que ce visage fin et doux m’adressait un reproche. Je m’éloignai du lit, et je me décidai à dire la