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sait pourtant ; c’était Bocage, le grand acteur Bocage en personne. Je ne l’avais jamais vu jouer, moi, nouveau à Paris ; mais sa noble figure était comme un des monuments du quartier, et il suffisait d’être étudiant pour aimer Bocage. Il nous laissait chanter la Marseillaise dans les entr’actes, et, quand nous la demandions, l’orchestre nous la donnait sans marchander. Cela dura jusqu’au jour où la Marseillaise fut décrétée séditieuse. Bocage résista, il fut destitué.

Sa vue me donna un courage héroïque. Il n’y avait pas un moment à perdre. Je l’abordai résolument.

— Que me voulez-vous, monsieur ? me dit-il avec une brusquerie polie.

— Je voudrais vous parler cinq minutes.

— Cinq minutes, c’est beaucoup ; je ne les ai pas.

— Trois minutes ! deux !

— En voilà déjà une de passée. Attendez-moi un quart d’heure au foyer des artistes.

Il passa outre, et je l’entendis qui disait :

— Constant, qu’est-ce que c’est que ce grand garçon que vous avez laissé entrer jusque sur le théâtre ?