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Cette jeune fille n’avait aucun appui au ministère, aucun ami dans la presse, elle ne briguait même pas les sympathies du public. Elle disait bien, elle avait une grâce décente : on sentait en elle une conscience d’artiste, mais pas d’inspiration, pas d’entrain et pas l’ombre de coquetterie. Ses yeux n’interrogeaient jamais les avant-scènes, et, quand, pour obéir aux effets de son rôle, elle les baissait, elle ne laissait pas tomber sur l’orchestre ce regard voilé et lascif qui semble dire : « Je sais très-bien ce que mon personnage a l’air d’ignorer. »

Je ne saurais dire pourquoi, après l’avoir vue avec indifférence dans plusieurs bouts de rôles, je fus frappé de sa physionomie modeste et fière au point de demander à mes camarades durant un entr’acte s’ils ne la trouvaient pas charmante. Ils la déclarèrent jolie, mais sans charme sur la scène. L’un d’eux lui avait vu jouer Agnès, il prétendait qu’elle n’avait rien compris à cette création classique, et une discussion s’engagea. Agnès devait-elle être une madrée qui fait l’innocente, ou une véritable enfant qui dit des choses très-fortes sans en pénétrer le sens ? Je soutins la dernière opinion, et, quoique je ne tinsse guère à avoir raison, la