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Je refusai l’offre de mon père. Je sacrifiai seulement mon héritage personnel ; il y consentit, et je retournai à Paris, résolu à travailler et à devenir un grand parleur pour complaire à l’auteur de mes jours, un peu aussi pour me satisfaire. Je ne sais quel instinct de tempérament me poussait à me mettre en vue, à étendre ou à arrondir mes bras flexibles et forts, à me bercer du son de ma voix puissante. Que vous dirai-je ? une sorte d’exhibition de mes avantages naturels m’apparaissait comme un devoir ou comme un droit, je ne sais lequel ; mais l’ambition n’y a jamais été pour rien, comme vous allez voir.

Il y avait encore à cette époque un quartier latin. Les étudiants n’avaient point passé la Seine. Ils n’entretenaient pas des demoiselles, ils dansaient encore avec des grisettes, espèce qui déjà tendait à disparaître et qui a disparu depuis. C’était au lendemain de 1848.

J’étais trop solidement trempé pour craindre de mener de front le travail et le plaisir. J’eus vite des amis. Un garçon fort et hardi, libéral et affectueux, doux et bruyant, voit toujours se grouper une phalange autour de lui. Nous étions de toutes les luttes