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d’hui pépiniériste et maraîcher. Mon père est le meilleur des hommes, absolument inculte, ce qui ne me gêne pas pour adorer sa droiture et sa douceur. Mon oncle est le baron Laurence, parvenu, anobli par Louis-Philippe et enrichi par l’industrie. Il s’est fixé en Normandie dans un beau vieux château où j’ai été le voir une fois, après mes études, par l’ordre de mon père, qui croyait à son souvenir et à ses promesses. Je ne sais s’il est égoïste, s’il dédaigne l’humble famille d’où il est sorti, ou si je n’ai pas eu le don de lui plaire. Il est certain que, sortant des écoles, imbu d’idées nouvelles et affligé d’une indomptable fierté, j’ai dû lui laisser voir que je ne venais pas à lui de moi-même, que j’aimais mieux mourir que de partager ses opinions et de convoiter son héritage. Bref, il m’a demandé de quoi j’avais besoin, je lui ai répondu crânement que je n’avais besoin de rien. Il m’a dit que j’étais un beau garçon parce que je lui ressemblais, qu’il était aise de me voir, et qu’il sortait pour aller chauffer sa candidature à la députation. Je suis reparti pour Paris sans déboucler ma valise ; il y a de cela sept ans, je ne l’ai jamais revu, je ne lui ai jamais écrit. Je suis bien sûr qu’il me déshéritera :