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temps de mes vacances. Je ne trouvai rien à y répondre ; mais elle ne m’empêcha pas d’être très-abattu et très-malheureux. Je tâchai de m’enflammer de nouveau pour la comtesse, et souvent je rêvai les voluptés de l’amour partagé ; mais, au réveil, je ne l’aimais plus. Son image ne parlait qu’à mes sens par l’imagination.

À la fin des vacances, je me demandai si je ne renoncerais pas au droit, qui ne me menait plus à rien, et si je n’irais pas rejoindre la troupe de Bellamare. Je ne voulus pas prendre cette résolution sans consulter mon père. Je pensais qu’il m’en détournerait ; il n’y songea pas. J’eus d’abord beaucoup de peine à lui faire comprendre ce que c’était que le théâtre. Il n’était jamais venu de troupe dramatique chez nous, il n’y avait pas de salle. Ce que mon père appelait des comédiens, c’était les marchands de thé suisse, les montreurs de bêtes et les saltimbanques qu’il avait vus dans les foires et assemblées. Aussi je me gardai bien de prononcer les mots de comédie ou de comédien, qui ne lui eussent inspiré qu’un profond mépris. Malgré ma résolution d’être sincère, je lui donnai des explications qui étaient vraies en fait, mais qui n’offrirent à son esprit