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plus, si tu es raisonnable toi-même. Crois-tu que, le premier jour où elle est venue mystérieusement à moi, comme la comtesse, mais avec des idées autrement sérieuses et arrêtées, pour me dire ses malheurs de famille et me prier de lui donner un état et un appui, je n’aie pas été ému, autant et plus peut-être que tu ne l’as été dans la chambre bleue ? Elle était si jolie dans sa douleur, si séduisante dans sa confiance ! J’ai eu le vertige dix fois dans ces deux heures d’entretien tête à tête ; mais, si Bellamare a un nez pour flairer l’occasion et une griffe pour la prendre aux cheveux, il a un œil pour distinguer l’honnêteté vraie, et une main qui se purifie en bénissant. En la quittant, je lui avais promis d’être son père, et à toute arrière-pensée j’avais dit sans retour : « Jamais, jamais, jamais ! » Or, quand les choses se présentent aussi nettes à ma conscience, il n’y a plus en moi le moindre mérite, parce qu’il n’y a plus le moindre combat, et je t’avoue ne pas comprendre qu’il en coûte plus à un honnête homme de ne pas tricher avec une femme que de ne pas tricher au jeu.

En ce moment-là, l’argumentation de Bellamare m’avait paru victorieuse, je la commentai tout le