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J’avais fait quelque progrès au théâtre. J’y avais acquis une excellente tenue sans paraître gêné, bien que je le fusse toujours. J’avais trouvé assez de sang-froid pour ne plus faire par émotion les contre-sens que répudiait mon intelligence. Je plaisais toujours aux femmes et ne déplaisais plus aux hommes. Je m’étais résigné à être toujours habillé comme un homme de goût. J’avais été humilié d’abord de ce détail, disant que je ne voulais pas devoir mon succès au tailleur. Je vis que le public me tenait compte de mes gilets plus que de mes études, et prenait en considération un homme si bien nippé. Mes camarades, en un jour de facétie, s’étaient plu à me faire passer pour un fils de grande famille, et on me dispensait d’être bon artiste, pourvu que je parusse homme du monde.

— Ne ris pas de cela, me disait Bellamare ; tu es notre enseigne, ta noblesse fait des petits, et, à chaque nouvelle station, l’imagination des badauds enrichit la troupe d’un hidalgo de plus. À Venise, j’étais il signor di Bellamare, directeur d’une troupe de personnes titrées, et je n’avais qu’un mot à dire pour faire de toi un duc et de moi un marquis. Le prestige de la noblesse est encore de-