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leuse, ce serait probablement la dernière, je n’étais pas fâché de savourer le parfum de cette richesse élégante et de haut goût. Le fagot continuait à pétiller et à jeter de grandes ondes de flamme sur les tableaux, sur les meubles et sur le plafond, qui était peint en nuages clairs sur fond de ciel rosé. Peu à peu le feu pâlit et revêtit l’ensemble d’un ton lumineux et doux qui devait ressembler à la fameuse grotte d’azur. Je me demandai si j’étais tellement bien que la possession d’une telle habitude pût devenir mon rêve. Je me rappelai la ferme où j’avais été élevé, la grande chambre de famille à plafond de solives brutes, d’où pendaient des grappes d’oignons dorés et de tomates vermeilles en guise de lustres, les murailles chargées de casseroles et de bassines au ventre de cuivre étincelant, les bruits qui traversaient mon premier somme, les enfants qu’on berçait, les chiens qui aboyaient dans la cour quand les bœufs s’agitaient dans retable, ou quand passait au loin le roulier dont le gros char écrasait les cailloux en cadence, et dont les chevaux marchant d’un pas égal faisaient chanter aux grelots de leurs colliers do fa do ré mi do. — Je revis ma mère et les trois pauvres en-