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prochant de moi, me dit à voix basse, d’un ton sec et net qui contrastait avec son regard aviné :

— Vous m’avez crevé mon cheval et gâté mon uniforme, vous l’avez fait exprès.

— Je l’ai fait exprès, répondis-je tranquillement,

— Il suffit, reprit-il.

Et il s’éloigna.

Le lendemain, dès l’aurore, je reçus la visite de deux officiers, amis du capitaine, qui me sommèrent de rétracter la déclaration que je lui avais faite, ou de lui rendre raison de mes paroles. Je refusai le premier point, j’acceptai le second, et rendez-vous fut pris pour le lendemain à la sortie du spectacle, car j’étais nécessaire à la représentation. Chose bizarre, je ne fus pas ému de ce premier duel comme je l’ai été plus tard en d’autres rencontres. Ma cause me paraissait si juste, je haïssais si cordialement l’homme qui outrageait Impéria et qui avait prétendu la compromettre sous les yeux de ses camarades ! Je me regardais comme le champion naturel de la compagnie, et, bien que j’eusse fort peu d’escrime et que Vachard en eût beaucoup, je ne doutai pas un instant que la destinée ne fût pour le bon droit et la bonne inten-