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Pour moi, j’étais si désespéré, que mes camarades durent me consoler, Moranbois lui-même me dit à sa manière quelques paroles encourageantes ; mais Impéria ne me disait rien, et, là, je sentais saigner ma blessure. Elle me parlait à tout autre égard avec douceur et bienveillance ; seulement, elle évitait la moindre allusion à mon désastre, et je ne savais que penser de son appréciation de mon avenir. Je résolus d’en avoir le cœur net, et je m’enhardis à rechercher un tête-à-tête avec elle.

L’occasion était bien plus facile à trouver en province qu’à Paris. Si le sort des mauvaises troupes est misérable et navrant, celui des troupes seulement passables est très-agréable dans la plupart des villes. Pour celles qui n’ont le théâtre que de temps à autre, l’arrivée du Roman comique est toujours un événement. Partout d’ailleurs il y a un certain nombre d’amateurs qui ont la passion, non pas tant du spectacle que des acteurs. Il y a partout un essaim de fils de famille pour voltiger et faire la roue autour des actrices. Il y a partout aussi un essaim de jeunes ou vieux lettrés qui ont en poche des manuscrits inédits, et qui, sans espoir de les faire jouer, rêvent au moins le plaisir émou-