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élevé parsemé de cheveux rares, à la face longue et convexe, à la joue creuse et bistrée, à l’œil petit, enfoncé, clair et morne, ce triste personnage à l’habit râpé, au gilet à carreaux écossais, à la cravate en corde, aux mains noueuses dépourvues de gants, qui se tenait dans un coin avec les machinistes et qu’on eût pu prendre pour l’un des moins attentifs ? Et si l’on eût dit à cette élite des gens de lettres : « Le pauvre hère que vous voyez là, qui vous écoute et vous juge, c’est un ancien saltimbanque qui portait une roue de charrette sur son menton, et qui jonglait avec des boulets de canon pas du tout creux ; eh bien, demandez-lui son avis et suivez-le, c’est le public incarné par qui vous serez sifflé ou porté en triomphe !… » quelle surprise pour les maîtres de l’art, quel dédain peut-être !

Bellamare consultait Moranbois comme un oracle, et l’oracle était infaillible. Je vous ai raconté cette longue histoire, je vous ai dit tous ces détails qui ouvrent dans mon récit une trop complaisante parenthèse, pour vous donner une idée de cette bohème intellectuelle du théâtre qui se recrute à tous les étages, par conséquent à toutes les extrémités