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feurs et machinistes, commander les affiches, organiser les moyens de transport, etc. Il voulait s’utiliser en raison de ses forces, et, un beau jour, la troupe de Bellamare se tordit de rire en entendant l’ex-porte-balle, l’ex-portefaix, l’ex-lutteur, déclarer qu’il avait assez de santé pour jouer la comédie par-dessus le marché. Offensé de l’hilarité de l’auditoire, il traita tous les acteurs de bouche-trous, de jolis cœurs et de baladins (j’adoucis singulièrement les épithètes).

On était habitué à ses boutades, on rit davantage. Il se fâcha sérieusement et se vanta de jouer mieux que personne les brigands de mélodrame.

— Pourquoi pas ? dit Bellamare. Apprends un rôle, répétons-le à nous deux, et nous verrons.

Moranbois essaya, et donna la grosse note de l’emploi de la façon la plus satisfaisante ; mais la fantaisie lui manquait. Bellamare lui souffla des idées et lui apprit à tirer parti de ses défauts naturels. Docile avec ce maître ingénieux et persuasif, Moranbois devint un brigand très-supportable pour la province. Il ne compromit rien et plut beaucoup au populaire. Son succès ne l’enivra pourtant pas, il consentit à remplir les derniers rôles dans les