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de son pays comme un malfaiteur. Heureusement les uns réparèrent la faute des autres. Sur la terre lointaine et au milieu des races étrangères, le sentiment de la patrie se fait sérieux et fraternel. Les jalousies de clocher expirent au seuil du désert, on se connaît, on s’apprécie, on ne songe point à se persécuter. Patureau sentait profondément cette solidarité qui lui faisait une nouvelle patrie. Il l’avait sentie dès les premiers jours de son exil, et, quand il vint nous faire ses derniers adieux, comme nous voulions lui dire : Au revoir !

— Non, répondit-il, c’est bien adieu pour toujours. Si une amnistie est promulguée, je n’en profiterai pas. J’ai dit adieu à tout ce que j’aimais, à la maison où mes parents sont morts et où mes enfants sont nés, à la vigne que j’ai plantée et que mes amis cultivaient pour moi en mon absence. Je laisse beaucoup de gens qui m’ont aimé et que j’aimerai toujours ; mais j’en laisse aussi beaucoup qui m’ont haï injustement et rendu malheureux. Là-bas, il y a la fatigue et la soif, la souffrance, la fièvre, et peut-être la mort ; mais il n’y a pas d’ennemis, pas de police politique, pas de dénonciations, pasde