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partie la plus impressionnable de l’âme humaine, à l’imagination, au sens de l’infini, et, si le poëte vous arrache ce cri : « C’est grand ! c’est beau ! » il a vaincu ! Il a prouvé Dieu, même sans parler de lui, car, à propos d’un brin d’herbe, il a fait palpiter en vous l’immortalité, il a fait jaillir de vous cette flamme qui veut monter au-dessus du réel. Il ne vous a pas dit comme le philosophe : « Croyez ou niez, vous êtes libre. » Il vous a dit : « Voyez et entendez, vous voilà délivré. »

Au delà d’une certaine région où l’esprit humain ne peut plus affirmer rien, et où il craint de s’affirmer lui-même, le poëte peut affirmer tout. C’est le voyant qui regarde par-dessus toutes nos montagnes. Qui osera lui dire qu’il se trompe, s’il a fait passer en vous l’enthousiasme de l’inconnu, et si sa vision palpitante a fait vibrer en vous une corde que la raison et la volonté laissaient muette ?

Art et poésie, voilà les deux ailes de notre âme. Que la note soit terrible ou délicieuse, elle éveille l’instinct sublime engourdi qui s’ignore, ou le renouvelle quand elle le trouve épuisé par la fatigue et la tristesse. Chantez, chantez, poëte