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ouvrage, c’est-à-dire le résultat de l’élan déréglé ou de l’aveugle inertie de l’âme spécifique. Cette âme impersonnelle, ce moteur aveugle que les uns respectent trop, que les autres ne respectent pas assez, est chez nous un agent de destruction tout aussi bien qu’un agent de conservation. Chose frappante, et qui témoigne de la nécessité de la troisième âme, l’instinct de l’homme est inférieur à celui des animaux. Les animaux ont le discernement des aliments salutaires ou nuisibles, la prévision jamais en défaut des besoins de la vie et des influences de l’atmosphère pour eux et pour leur progéniture. Aucun vice particulier, aucun excès de nourriture, aucune ivresse d’amour ne fait oublier à une pauvre petite femelle de papillon qui va mourir après sa ponte de se dépouiller le ventre de son duvet pour envelopper et tenir chaudement ses œufs destinés à passer l’hiver avant d’éclore. Il semble, devant une multitude de faits observés, que l’animal ait deux âmes aussi, l’instinctive et celle qui raisonne. Peut-être devrait-on oser l’affirmer, puisqu’à toute heure la prévoyance, le dévouement, le discernement et la modération de la bête semblent faire la critique de nos aveuglements