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de ce monde n’est pas détruite pour cela ; elle va rejoindre le foyer de la vie céleste irréductible, et, dans ce foyer de l’infini psychique, elle se retrempe à la vie universelle, qui s’aperçoit peu des désastres partiels, ou qui s’en sert avec discernement pour reconstruire des mondes mieux équilibrés.

Mais les victimes, les millions d’individus plus ou moins intelligents que frappe un grand cataclysme, les compterons-nous pour rien ? Si nous croyons que quatre-vingts ou cent ans d’existence sont toute l’aspiration, toute la conquête, toute la destinée de l’homme, ou que, surpris par la mort violente en état de péché, il ait une éternité d’inénarrable souffrance à endurer au sortir de la vie, certes Dieu est injuste, l’âme universelle est idiote et méchante, ou, pour mieux dire, elle n’existe pas. Nous sommes des chiffres,… pas même ! des accidents qui ne comptent point.

Ceux que domine l’âme spécifique sont bien libres de le croire, mais ils ne peuvent forcer ceux qui pensent à partager leur découragement. Sur quelque raisonnement que s’appuie la négation du moi éternel, il ne dépend pas de