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nous eussions dû déjeuner et ne point passer seulement ; mais l’envie de revoir la source et d’arriver au but, qui est la chartreuse, nous a fait quitter un peu la proie pour l’ombre.

La chartreuse nouvelle est fort laide et sans intérêt aucun. Les débris de l’ancienne sont enfouis au fond d’une gorge encaissée et boisée où le roc montre ses flancs âpres à travers le revêtement de la forêt. C’est un de ces sites sauvages qu’en de nombreuses localités les gens intitulent emphatiquement le bout du monde, et qui, comme toutes les fins, est l’embranchement d’un monde nouveau. Si la montagne enferme la ruine et semble la séparer du reste de la terre, à cent pas au-dessous on voit la muraille faire un coude, une verte petite prairie s’ouvrir le long du ruisseau, se rétrécir pour s’entr’ouvrir plus loin et déboucher dans les larges vallées qui se succèdent et s’étagent jusqu’à la mer. L’endroit est frais, austère et riant à la fois.

— On y vivrait, me dit mon ami Talma, le capitaine de vaisseau. C’est une retraite, un nid, un asile. J’y passerais volontiers le reste de ma vie.

— En famille ?