Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/285

Cette page n’a pas encore été corrigée

jetait un cri d’effroi à l’aspect d’une ride légère, creusée durant la nuit sur les plans lisses et nobles de son visage et de son cou. Elle se défendait encore avec orgueil de la tentation de se mettre du rouge, comme faisaient autour d’elle les femmes de son âge. Jusque-là, elle avait pu braver le regard d’un homme en plein midi ; mais des nuances ternes s’étendaient au contour de ses joues, et un reflet bleuâtre encadrait ses grands yeux noirs. Elle voyait déjà ses rivales se réjouir autour d’elle et lui faire un meilleur accueil à mesure qu’elles la trouvaient moins redoutable.

Dans le monde, on disait qu’elle était si affectée de vieillir, qu’elle en était malade. Les femmes assuraient déjà qu’elle se teignait les cheveux et qu’elle avait plusieurs fausses dents. Le comte de Buondelmonte savait bien que c’étaient autant de calomnies ; mais il s’en affectait peut-être plus sincèrement que d’une vérité qui fût restée secrète. Il avait été trop heureux, trop envié depuis dix ans, pour que les jouissances de la vanité, qui sont les plus durables de toutes, n’eussent pas fait pâlir celles de l’amour. L’attachement et la fidélité de la plus belle et de la plus aimable des femmes avaient-ils développé en lui un immense orgueil, ou l’avaient-ils seulement nourri ?

Je n’en sais rien. Toutes les personnes que je connais ont eu vingt ans, et mes études psychologiques me portent à croire que presque tout le monde est capable d’avoir vingt ans, ne fût-ce qu’une fois en sa vie. Mais le comte en eut trente et demi le jour où lady Mowbray en eut… (je suis trop bien élevé pour tracer un chiffre qui désignerait au juste ce que j’appellerai, sans offenser ni compromettre personne, l’âge indéfinissable d’une femme), et le comte, qui avait tiré une grande gloire de la préférence de lady Mowbray, commença à jouer dans