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forcer de monter le premier dans sa voiture, qui prit aussitôt la route de Florence.

— Parbleu ! dit-il en regardant la nuit qui était sombre, ce temps de voleurs me rappelle une histoire que j’ai entendu raconter sur lady Mowbray.

— Encore ! dit le comte ; lady Mowbray vous occupe beaucoup.

— Ne me demandiez-vous pas quel trait de son caractère m’avait le plus enthousiasmé ? Je ne saurais dire lequel ; mais voici une aventure qui m’a rendu plus envieux de voir lady Mowbray que Rome, Venise et Naples. Vous allez me dire si celle-là est aussi vraie que la première. Un jour qu’elle traversait les Apennins avec son heureux amant Buondelmonte, ils furent attaqués par des voleurs ; le comte se défendit bravement contre trois hommes ; il en tua un, et luttait contre les deux autres lorsque lady Mowbray, qui s’était presque évanouie dans le premier accès de surprise, s’élança hors de la calèche et tomba sur le cadavre du brigand que Buondelmonte avait tué. Dans ce moment d’horreur, ranimée par une présence d’esprit au-dessus de son sexe, elle vit à la ceinture du brigand un grand pistolet dont il n’avait pas eu le temps de faire usage, et que sa main semblait encore presser. Elle écarta cette main encore chaude, arracha le pistolet de la ceinture, et, se jetant au milieu des combattants, qui ne s’attendaient à rien de semblable, elle déchargea le pistolet à bout portant dans la figure d’un bandit qui tenait Buondelmonte à la gorge. Il tomba roide mort, et Buondelmonte eut bientôt fait justice du dernier. N’est-ce pas là encore une belle histoire, monsieur ?

— Aussi belle que vraie, répéta Buondelmonte. Le cœur de lady Mowbray la soutint encore quelque temps après cette terrible scène. Le postillon, à demi-mort de peur, s’était tapi dans un fossé, les chevaux effrayés