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— Arrêtez, monsieur, arrêtez ! s’écria Veneranda éperdue ; on n’abuse pas ainsi de l’étonnement et de l’émotion d’une femme dans le tête-à-tête. Laissez ma main ; vous voyez que je suis si tremblante, que je n’ai pas la présence d’esprit de la retirer. Qui êtes-vous, au nom du ciel ? et que doivent me faire craindre ces transports imprudents ?

— Hélas ! ma chère marraine, répondit le beau garçon, ne reconnaissez-vous point votre filleule, la coupable Mattea, qui vient vous demander pardon de ses torts et les épier par son repentir ?

La princesse jeta un cri en reconnaissant en effet Mattea, mais si grande, si forte, si brune et si belle sous ce déguisement, qu’elle lui causait la douce illusion d’un jeune homme charmant à ses pieds.

— Je te pardonnerai, à toi, lui dit-elle en l’embrassant ; mais que ce misérable Zacharias, Timothée, ou comme on voudra l’appeler, ne se présente jamais devant moi.

— Hélas ! chère marraine, il n’oserait, dit Mattea ; il est resté dans le port sur un vaisseau qui nous appartient et qui apporte à Venise une belle cargaison de soie blanche. Il m’a chargée de plaider sa cause, de vous peindre son repentir, et d’implorer sa grâce.

— Jamais ! jamais ! s’écria la princesse.

Cependant elle s’adoucit en recevant de la part de son infidèle sigisbé un cachemire si magnifique, qu’elle oublia tout ce qu’il y avait d’étrange et d’intéressant dans le retour de Mattea pour examiner ce beau présent, l’essayer et le draper sur ses épaules. Quand elle en eut admiré l’effet, elle parla de Timothée avec moins d’aigreur, et demanda depuis quand il était armateur et négociant pour son compte.

— Depuis qu’il est mon époux, répondit Mattea, et