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lement parce qu’elle lui inspirait la crainte d’être forcée de retourner chez sa mère, d’où il lui serait très-difficile désormais de s’échapper, mais parce qu’elle lui ôtait le peu d’espérance qu’elle conservait d’avoir fait quelque impression sur le cœur d’Abul. Cette indifférence de son sort, cette préférence donnée sur elle à des intérêts commerciaux, c’était un coup de poignard enfoncé peut-être dans son amour-propre encore plus que dans son cœur ; car nous avouons qu’il nous est très-difficile de croire que son cœur jouât un rôle réel dans ce roman de grande passion. Néanmoins, comme ce cœur était noble, la mortification de l’orgueil blessé y produisit de la douleur et de la honte sans aucun mélange d’ingratitude ou de dépit ; elle ne cessa pas de parler d’Abul avec vénération et de penser à lui avec une sorte d’enthousiasme.

Timothée devint, en moins d’une semaine, le sigisbé en titre de Veneranda. Rien n’était plus agréable pour elle que de trouver, à son âge, un tout jeune et assez joli garçon, plein d’esprit, et jouant merveilleusement de la guitare, qui voulût bien porter son éventail, ramasser son bouquet, lui dire des impertinences et lui écrire des bouts-rimés. Il avait soin de ne jamais venir à Torcello qu’après s’être bien assuré que M. et madame Spada étaient occupés en ville et ne viendraient pas le surprendre aux pieds de sa princesse, qui ne le connaissait que sous le nom du prince Zacharias Kalasi.

Durant les longues soirées, le sans-gêne de la campagne permettait à Timothée d’entretenir Mattea, d’autant plus qu’il venait souvent des visites, et que dame Gica, par soin de sa réputation, prescrivait à son cavalier servant de l’attendre au jardin tandis qu’elle serait au salon ; et pendant ce temps, comme elle ne craignait rien au monde plus que de le perdre, elle recommandait