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Et il s’éloigna en accablant de révérences le malheureux Zacomo, qui, malgré sa politesse ordinaire, ne songea pas à lui rendre seulement un salut, et rentra dans sa boutique, dévoré d’anxiété.

Son premier soin fut de confier à sa femme le sujet de son désespoir. Loredana n’avait pas les mœurs douces et paisibles de son mari, mais elle avait l’âme plus désintéressée et le caractère plus fier. Elle le blâma sévèrement d’hésiter à remplir ses engagements, surtout lorsque la passion funeste de leur fille pour ce Turc devait leur faire une loi de l’éloigner de leur maison.

Mais elle ne put amener son mari à cet avis. Il était dans leurs querelles d’une souplesse de formes qui rachetait l’inflexibilité de ses opinions et de ses desseins. Il finit par la décider à envoyer sa fille pour quelques jours à la campagne chez la signera Veneranda, qui le lui avait offert, promettant, durant son absence, de terminer avantageusement l’affaire d’Abul. Le Turc, d’ailleurs, partirait après cette opération ; il ne s’agissait que de mettre la petite en sûreté jusque-là.

— Vous vous trompez, dit Loredana ; il restera jusqu’à ce que sa soie puisse être emportée, et, s’il la met en couleur ici, ce ne sera pas fait de si tôt.

Néanmoins, elle consentit à envoyer sa fille chez sa protectrice. M. Spada, cachant bien à sa femme qu’il avait donné rendez-vous à Abul pour le soir même, et se promettant de le recevoir sur la place ou au café, loin de l’œil de son Honesta, monta, en attendant, à la chambre de sa fille, se vantant tout haut de la gronder et se promettant bien tout bas de la consoler.

— Voyons, lui dit-il en se jetant tout haletant de fatigue et d’émotion sur une chaise, qu’as-tu dan la tête ? cette folie est-elle passée ?