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suis au moment d’éclater ; alors, pour me conserver un air triste, il faut que je pense au malheur de Pauline, et ceci me remet en scène naturellement ; mais à mes dépens, car mon cœur saigne. Ah ! je ne savais pas que la comédie fut plus fatigante à jouer dans le monde que sur les planches ! |

— Il faudra que je t’aide, répondit Lavallée ; car je vois bien que, seule, tu ne viendras jamais à bout de faire tomber son masque. Repose-toi sur moi du soin de le forcer dans ses derniers retranchements sans te compromettre sérieusement.

Un soir, Laurence joua Hermione dans la tragédie d’Andromaque, Il y avait longtemps que le public attendait sa rentrée dans cette pièce. Soit qu’elle l’eût bien étudiée récemment, soit que la vue d’un auditoire nombreux et brillant l’électrisât plus qu’à l’ordinaire, soit enfin qu’elle eût besoin de jeter dans ce bel ouvrage toute la verve et tout l’art qu’elle employait si désagréablement depuis quinze jours avec Montgenays, elle y fut magnifique, et y eut un succès tel qu’elle n’en avait point encore obtenu au théâtre. Ce n’était pas tant le génie que la réputation de Laurence qui la rendait si désirable à Montgenays. Les jours où elle était fatiguée et où le public se montrait un peu froid pour elle, il s’endormait plus tranquillement, dans la pensée qu’il pouvait échouer dans son entreprise ; mais, lorsqu’on la rappelait sur la scène et qu’on lui jetait des couronnes, il ne dormait point et passait la nuit à machiner ses plans de séduction. Ce soir-là, il assistait à la représentation, dans une petite loge sur le théâtre, avec Pauline, madame S… et Lavallée. Il était si agité des applaudissements frénétiques que recueillait la belle tragédienne, qu’il ne songeait pas seulement à la présence de Pauline. Deux ou trois fois il la froissa avec ses coudes (on sait