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vieux comédien, homme d’esprit, qui avait servi de patron et pour ainsi dire de répondant à Laurence lors de ses débuts, juger sévèrement le caractère et l’esprit de Montgenays. Il le déclara vulgaire entre tous les hommes vulgaires ; et, comme Laurence défendait au moins les qualités de son cœur, Lavallée s’écria :

— Quant à moi, je sais bien que je serai contredit ici par tout le monde, car tout le monde lui veut du bien. Et savez-vous pourquoi tout le monde l’aime ? C’est qu’il n’est pas méchant.

— Il me semble que c’est quelque chose, dit Pauline avec intention et en lançant un regard plein d’amertume au vieil artiste, qui était pourtant le meilleur des hommes et qui ne prit rien pour lui de l’allusion.

— C’est moins que rien, répondit-il ; car il n’est pas bon, et voilà pourquoi je ne l’aime pas, si vous voulez le savoir. On n’a jamais rien à espérer et l’on a tout à craindre d’un homme qui n’est ni bon ni méchant.

Plusieurs voix s’élevèrent pour défendre Montgenays, et celle de Laurence par-dessus toutes les autres ; seulement, elle ne put l’excuser lorsque Lavallée lui démontra par des preuves que Montgenays n’avait point d’ami véritable’, et qu’on ne lui avait jamais vu aucun de ces mouvements de vertueuse colère qui trahissent un cœur généreux et grand. Alors Pauline, ne pouvant se contenir davantage, dit à Laurence qu’elle méritait plus que personne le reproche de Lavallée, en laissant accabler un de ses amis les plus sûrs et les plus dévoués sans indignation et sans douleur. Pauline, en faisant cette sortie étrange, tremblait et cassait son aiguille de tapisserie ; son agitation fut si marquée, qu’il se fit un instant de silence, et tous les yeux se tournèrent vers elle avec surprise. Elle vit alors son imprudence, et es-