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Cet engouement puéril ne dura qu’un instant chez Pauline. Intelligente et fière, elle eut bientôt secoué ce reste de provincialité ; mais elle ne put se défendre de trouver une grande distinction et un grand charme dans les paroles que Montgenays lui adressa. Elle avait rougi d’être troublée par le seul extérieur d’un homme. Elle se réconcilia avec sa première impression en croyant trouver dans l’esprit de cet homme le même cachet d’élégance dont toute sa personne portait l’empreinte. Puis cette attention particulière qu’il lui accordait, le soin qu’il semblait avoir pris de se faire présenter à elle retirée dans un coin parmi les tasses de Chine et les vases de fleurs, le plaisir timide qu’il paraissait goûter à la questionner sur ses goûts, sur ses impressions et ses sympathies, la traitant de prime abord comme une personne éclairée, capable de tout comprendre et de tout juger ; toutes ces coquetteries de la politesse du monde, dont Pauline ne connaissait pas la banalité et la perfidie, la réveillèrent de sa langueur habituelle. Elle s’excusa un instant sur son ignorance de toutes choses ; Montgenays parut prendre cette timidité pour une admirable modestie ou pour une méfiance dont il se plaignait d’une façon cafarde. Peu à peu Pauline s’enhardit jusqu’à vouloir montrer qu’elle aussi avait de l’esprit, du goût, de l’instruction. Le fait est qu’elle en avait extraordinairement eu égard à son existence passée, mais qu’au milieu de tous ces artistes brisés à une causerie étincelante elle ne pouvait éviter de tomber parfois dans le lieu commun. Quoique sa nature distinguée la préservât de toute expression triviale, il était facile de voir que son esprit n’était pas encore sorti tout à fait de l’état de chrysalide. Un homme supérieur à Montgenays n’en eût été que plus intéressé à ce développement ; mais le vaniteux en conçut un secret mépris pour l’in-