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jolies ou du moins attrayantes à force d’art ; puis, en se comparant à elles, en se comparant à Laurence même, elle se disait avec raison que sa beauté était plus régulière, plus irréprochable, et qu’un peu de toilette suffirait pour l’établir devant tous les yeux. En passant et repassant dans le salon, selon sa coutume, pour préparer le thé, veiller à la clarté des lampes et vaquer à tous ces petits soins qu’elle avait assumés volontairement sur elle, son mélancolique regard plongeait dans les glaces, et son petit costume de demi-béguine commençait à la choquer. Dans un de ces moments-là, elle rencontra précisément dans la glace le regard de Montgenays, qui observait tous ses mouvements. Elle ne l’avait pas entendu annoncer ; elle l’avait rencontré dans l’antichambre sans le voir lorsqu’il était arrivé. C’était le premier homme d’une belle figure et d’une véritable élégance qu’elle eût encore pu remarquer. Elle en fut frappée d’une sorte de terreur ; elle reporta ses yeux sur elle-même avec inquiétude, trouva sa robe flétrie, ses mains rouges, ses souliers épais, sa démarche gauche. Elle eût voulu se cacher pour échapper à ce regard qui la suivait toujours, qui observait son trouble, et qui était assez pénétrant dans les sentiments d’une donnée vulgaire pour comprendre d’emblée ce qui se passait en elle. Quelques instants après, elle remarqua que Montgenays parlait d’elle à Laurence ; car, tout en s’entretenant à voix basse, leurs regards se portaient sur elle.

— Est-ce une première camériste ou une demoiselle de compagnie que vous avez là ? demanda Montgenays à Laurence, quoiqu’il sût fort bien le roman de Pauline.

— Ni l’une ni l’autre, répondit Laurence. C’est mon amie de province, dont je vous ai souvent parlé. Comment vous plaît-elle ?

Montgenays affecta de ne pas répondre d’abord, de