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ment aux mains de la femme de chambre, et marchait dans l’appartement en s’écriant ;

— Ce n’est pas cela !… je veux le dire comme je le sens !

Et elle laissait échapper des exclamations, des phrases de drame ; elle cherchait des poses devant le vieux miroir de Pauline. Le sang-froid de la femme de chambre, habituée à toutes ces choses, et l’oubli complet où Laurence semblait être de tous les objets extérieurs, étonnaient au dernier point la jeune provinciale. Elle ne savait pas si elle devait rire ou s’effrayer de ces airs de pythonisse ; puis elle était frappée de la beauté tragique de Laurence, comme Laurence l’avait été de la sienne quelques heures auparavant. Mais elle se disait :

— Elle fait toutes ces choses de sang-froid, avec une impétuosité préparée, avec une douleur étudiée. Au fond, elle est fort tranquille, fort heureuse ; et moi, qui devrais avoir le calme de Dieu sur le front, il se trouve que je ressemble à Phèdre !

Comme elle pensait cela, Laurence lui dit brusquement :

— Je fais tout ce que je peux pour trouver ta pose d’hier au soir quand tu étais là sur ton coude… je ne peux pas en venir à bout ! C’était magnifique. Allons, c’est trop récent. Je trouverai cela plus tard, par inspiration !

Toute inspiration est une réminiscence, n’est-ce 

pas, Pauline ? Tu ne te coiffes pas bien, mon enfant ; tresse donc tes cheveux au lieu de les lisser ainsi en bandeau. Tiens, Suzette va te montrer.

Et, tandis que la femme de chambre faisait une tresse, Laurence fit l’autre, et en un instant Pauline se trouva si bien coiffée et si embellie, qu’elle fit un cri de surprise.

— Ah ! mon Dieu, quelle adresse ! s’écria-t-elle ; je ne