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sa conscience, peut-être eût-elle découvert que ce rôle généreux était le seul qui l’élevât au niveau de Laurence à ses propres yeux. Il est certain que, jusque-là, la grâce, la noblesse et l’intelligence de l’actrice l’avaient déconcertée un peu ; mais, depuis qu’elle l’avait posée auprès d’elle en protégée, Pauline ne s’apercevait plus de cette supériorité, difficile à accepter de femme à femme, aussi bien que d’homme à homme.

Il est certain que, lorsque les deux amies et la mère aveugle se retrouvèrent seules ensemble au coin du feu, Pauline fut surprise et même un peu blessée de voir que Laurence reportait toute sa reconnaissance sur la vieille femme. Ce fut avec une noble franchise que l’actrice, baisant la main de madame D… et l’aidant à reprendre le chemin de sa chambre, lui dit qu’elle sentait tout le prix de ce qu’elle avait fait et de ce qu’elle avait été pour elle durant cette petite épreuve.

— Quant à toi, ma Pauline, dit-elle à son amie lorsqu’elles furent tête à tête, je te fâcherais, si je te faisais le même remercîment. Tu n’as point de préjugés assez obstinés pour que ton mépris de la sottise provinciale me semble un grand effort. Je te connais, tu ne serais plus toi-même si tu n’avais pas trouvé un vrai plaisir à t’élever de toute ta hauteur au-dessus de ces bégueules.

— C’est à cause de toi que cela m’est devenu un plaisir, répondit Pauline un peu déconcertée.

— Allons donc, rusée ! reprit Laurence en l’embrassant, c’est à cause de vous-même !

Était-ce un instinct d’ingratitude qui faisait parler ainsi l’amie de Pauline ? Non. Laurence était la femme la plus droite avec les autres et la plus sincère vis-à-vis d’elle-même. Si l’effort de son amie lui eût paru sublime, elle ne se serait pas crue humiliée de lui montrer de la reconnaissance ; mais elle avait un sentiment si ferme et si