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fait de spectacles, j’allais seulement aux Italiens. Je sortais peu ; j’étais souffrante fort souvent. La vie de Paris, et même celle de la campagne en Touraine, ne convenaient pas à ma santé. J’avais été élevée en montagnarde, assez pauvrement, et ce rude exercice, auquel nous sommes forcés ici, faute de chemins et de voitures, avait servi à me préserver des effets d’une constitution délicate. La vie en carrosse, comme je l’appelais, dans un air moins vif et moins pur que celui d’ici, me rendit si chétive que l’on craignit pour ma poitrine. Je contractai un aspect cacochyme, et j’y gagnai de ne prendre du monde et des plaisirs que ce qu’il me plaisait d’en prendre.

» J’aimais les relations douces, amicales, et je dois, je peux le dire, la conversation des hommes distingués. Je ne m’y mêlais guère, je n’étais pas de force ; mais j’écoutais et j’apprenais à penser et à raisonner. D’ailleurs, je me sentais plus à l’aise avec eux qu’avec les femmes. Celles-ci affectaient trop de me plaindre, et je n’avais pas besoin de cette continuelle pitié, moi qui prenais si bien mon parti d’avoir un rôle à part dans la vie, et de ne rivaliser sur aucun point avec elles. Les hommes me paraissaient et m’ont toujours paru plus indulgents ou plus délicats dans leur compassion. Du moment qu’on ne leur demande que de l’estime et de la sympathie sans avoir la moindre idée de leur plaire, ils portent, dans ce