Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quel courage moral elle pouvait trouver dans sa conscience, en dépit de la sauvage timidité de ses habitudes. Soit supériorité d’expérience, soit désintéressement d’affection, je n’étais pas aussi scandalisé que Narcisse de l’inclination pour l’artiste. J’étais donc si bien disposé à l’indulgence, que je me laissais aller à l’admiration.

Elle causa avec Narcisse quelques instants, lui demandant des nouvelles de la sœur qui lui restait et de ses neveux, les enfants de cette sœur, qu’elle n’avait jamais vus.

— Mais je ne veux pas vous retenir trop longtemps ici, nous dit-elle. J’ai des secrets à vous confier ; je me suis demandé si j’aurais le courage de vous raconter ma vie. J’ai reculé ; mais, décidée à tenir une promesse (je devrais dire une prière) faite spontanément et sous le coup d’une certaine exaltation, j’ai passé la nuit à écrire, et c’est quelques pages que je vous demande d’écouter. Je n’ai aucun talent de rédaction. Prenez seulement pour sincère le résumé que je vais vous lire.

— Demoiselle, s’écria Narcisse en la voyant tenir d’une main fort tremblante les feuillets qu’elle venait de prendre dans sa poche, si cela vous coûte, ne lisez pas ; nous n’avons pas besoin de savoir pour nous taire !

— Je n’en doute pas, monsieur Pardoux, reprit-elle ; mais je tiens à votre estime, et je dois aux principes religieux que j’ai proclamés par mes années de renonce-