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Nous nous séparâmes sans rien conclure.

Le lendemain, à déjeuner, Narcisse semblait avoir, encore une fois, oublié l’aventure. Moi, j’y avais réfléchi, et je lui conseillai de dissimuler avec Albany, qui était une de ses pratiques les plus assidues, et de le sonder assez adroitement pour savoir quel genre de sentiment il cachait ou avouait pour mademoiselle d’Estorade.

— Je ne suis pas adroit, me répondit le cafetier avec un peu d’humeur. Et puis je me sens irrité contre lui. Sa figure me déplaît. Je le souffletterais volontiers, voyez-vous !

— Eh bien, voulez-vous que je tâche de le faire causer ? Il faut pourtant savoir à quoi s’en tenir sur ses intentions, ou abandonner votre ancienne amie à son sort.

— Vous avez raison. Il faut savoir si, au moins, il est discret. Chargez-vous de ça, et, s’il parle trop, et mal, ma foi, gare à lui !

— Vous me disiez pourtant hier qu’il y avait du bon dans ce garçon-là ?

— Oui, par moments, il semble qu’il ait du cœur. Par moments aussi, c’est un don Juan !

— De petite ville ! Ce n’est pas bien dangereux !

— Tout est dangereux pour une religieuse.

— C’est vrai ! Eh bien, nous verrons. Est-ce la première fois qu’il vient dans ce pays ?

— Oh ! non ! Il n’y a reparu que depuis quelques jours